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Mon interview pour Pix'n Love
Interview initialement prévue pour Pix'n Love, réalisée en mars 2008, mise en ligne le 16/05/2023

L'amour fusionnel entre un homme et une machine.
Après avoir été en contact quelques temps avec Titan (Éric Cubizolles) pour des relectures et avis au sujet d'articles qu'il rédigeait pour le mook Pix'n Love, il m'avait proposé de réaliser une interview pour le journal. Je me suis exécuté, même si cette interview n'a finalement pas été utilisée. Aujourd'hui, homme mâture, j'archive ici ce petit témoignage du passé, où il était déjà question en 2008 de tramer des couleurs complémentaires.

Je vous la livre ici, bien qu'un peu vieillie, seules les fautes ont été corrigées.
Les photos, sous-titres et encarts sont d'époque. Tous les écrans n'ont pas trop vieilli...

Je me suis seulement permis d'ajouter des liens dans le texte.

L'interview

Bonjour Sylvestre. Tu es démomaker et graphiste sur Amstrad CPC.
Résolutions graphiques du CPC
640x200 en 2 couleurs parmi 27 (ou 768x272 en fullscreen)
320x200 en 4 couleurs parmi 27 (ou 384x272 en fullscreen)
160x200 en 16 couleurs parmi 27 (ou 192x272 en fullscreen)

Écran d'un projet de jeu d'aventure avorté, en mode 1 et 4 couleurs. Le projet date de 1989 et n'a jamais été terminé.

Image de l'intro de Climax-G,
une démo réalisée par les Sucres en Morceaux en 2005.

Image préparatoire pour Climax-G,
une démo pour écran monochrome.
Cette image en flipping affiche 31 nuances de vert.
Flipping
Cela consiste à alterner 2 images sur l'écran à une vitesse de 50Hz, de façon à démultiplier les couleurs. De cette façon, le CPC peut théoriquement étendre sa palette à 125 couleurs. Technique encore très peu répandue.

Image en flipping, alternant 2 image en mode 0
et 16 couleurs, pour un total de 125 couleurs.

Image alternant rapidement les valeurs
de palette et permettant des niveaux de gris,
alors que le CPC n'a que 3 valeurs (noir, gris, blanc).
Rasters
Cela consiste à mettre à jour le mode ou la palette de couleurs en cours de balayage de l'écran, de façon à cumuler sur un seul écran plusieurs zones de résolutions différentes.

Image en 384x272 pixels et 64 couleurs, cachée sur la disquette de l'Amstrad Expo 2005, réalisée sur la base d'un transfert de fond d'écran de Warkraft II

Image en mode 0 (fullscreen) et 16 couleurs parmi 27.

Les Sucres en Morceaux gardent bien leurs secrets.

1) Peux-tu te présenter rapidement tout en nous parlant de ton parcours sur cette machine ?
J'ai commencé le CPC aux environ de 1986, fasciné par le basic. J'y passais mes nuits (aucun mérite à ça, tout le monde en faisait autant ! ). J'y avais fait mes premières armes en graphisme, investissant OCP dès que j'ai pu. Puis j'ai acheté un Amiga, excellent pour les graphismes, bon à rien en basic. Plus ça allait, plus j'avais envie de voir sur CPC les images de l'Amiga, mais je ne savais pas transférer de données, puis mon lecteur de disquettes CPC a lâché. Ce n'est qu'après un coma de 15 ans que j'ai rallumé mon CPC, grâce à un ami qui m'a appris à y brancher un lecteur PC, puis transférer des données. 8 mois après, j'ai sorti Climax pour le Ze Meeting 2003. Cette démo exploite la technique de flipping, assez peu utilisée sur CPC. Aujourd'hui, je continue le CPC, en m'intéressant de très près à ce qu'il est possible d'afficher. Après de nombreuses recherches, je pense avoir fait des progrès intéressants sur diverses techniques graphiques. Et chemin faisant, je continue mes recherches dans ce domaine et dans celui des CATalogues décorés...

2) Quelles sont les créations dont tu es le plus fier ?
Climax bien sûr ! Et si on voulait être plus précis, l'animation de fin intitulée "le mot de la fin". Elle m'a donné beaucoup de travail à l'époque, parce que j'étais mal équipé, et que je n'y connaissais pas encore grand chose. Cette partie semble inspirée de travaux de Andy Warhol, mais c'est complètement fortuit. Mais cette Climax a vieilli à mes yeux. L'intro reste d'actualité ainsi que certaines parties dont celle-ci, mais la technique de flipping n'est plus du tout au goût du jour selon moi. Ensuite, j'ai sorti ClimaxG (qui ne fonctionne que sur écran monochrome) qui a eu un bon accueil. Je l'ai faite en 2 mois, et elle ne préfigure pas réellement mes travaux actuels mais elle n'a pas encore trop vieilli.

Sinon, je m'investis aussi beaucoup dans les catalogues décorés (comme dans certains jeux qui arrivaient à détourner la commande "CAT" pour afficher un petit texte de présentation). Aujourd'hui, j'ai compris que c'était pas si dur à faire, et qu'il reste de la route à faire ! Les contraintes techniques sont si basses que chaque découverte change beaucoup de choses.

En fait, je suis surtout content des travaux que je n'ai pas encore diffusés, et qu'il me tarde de vous montrer. D'ailleurs, je suis en train de regarder une image en 125 couleurs, là, sur mon CPC, et c'est vraiment beau ! Dommage que vous ne puissiez pas encore la voir en vrai !...

3) Pourquoi avoir choisi le CPC pour tes créations artistiques ? Pourquoi pas une autre machine 8 Bits ? Est-ce seulement par nostalgie ?
La question de nostalgie revient souvent dans les discussions. On a du mal à savoir à quel point cette « nostalgie » est responsable de notre passion. Mais une chose est certaine : si elle est parfois à l'origine de notre investissement sur CPC, elle ne justifie en rien notre acharnement actuel. Je ne m'investis par exemple pas sur Amiga que j'ai longtemps utilisé. Je trouve le CPC séduisant par ses résolutions graphiques, sa palette de couleurs unique au monde, et certaines techniques disponibles dessus. Il est un bon équilibre entre la rusticité technique et les perspectives de progrès. Le C64 est aussi une très belle machine de ce point de vue ainsi que d'autres machines que je connais moins, mais nos chemins ne se sont pas encore croisés. Le CPC est aussi très populaire en France, ce qui rend les échanges faciles. Mon choix ne pouvait de toutes façons se porter que sur une machine 8bits, où le moindre progrès technique prend tout de suite une dimension importante. Les efforts y sont donc vite gratifiants.

D'autre part, pour ce qui est des « créations artistiques », je pense que le CPC a encore du chemin à faire. Mon approche technique de l'image est encore loin d'être de l'art, et je pense que les autres CPCistes en sont là aussi. Il serait bien que de nouvelles personnes arrivent avec de nouvelles approches. Mais le sujet de savoir si le demomaking est de l'art est un autre long sujet.

Le CPC nous laisse de bonnes perspectives pour l'avenir...

4) Quels sont les outils dont tu disposes pour dessiner sur CPC ?
Le principal outil, c'est un cordon ombilical qui relie un PC et un CPC. Cela permet d'une part d'utiliser tous les logiciels du PC à ma convenance, dont certains outils dédiés au CPC (Symbol Designer de ZeCreator par exemple, ou Winape de Richard Wilson), et de transférer mon travail pour l'évaluer et le corriger directement sur le CPC. On peut transférer sur disquettes ou directement en copiant la mémoire dans le CPC à l'aide de logiciels Arkos. On pourra par exemple utiliser une CPCBooster+ d'Antitec en association avec la RAMcard de RAM7 pour injecter directement un état de la mémoire du CPC à un instant donné, c'est très puissant en terme de développement. Ca permet par exemple de tester de nouveaux graphiques à un instant donné d'un programme. Ensuite, sur CPC, mon principal outil est OCP, le Basic, et ùSNA d'Arkos (pour recevoir un transfert de la mémoire).

Je ne conçois pas de ne pas voir mon travail en grandeur réelle, sur un vrai CPC. C'est même le but de tous mes efforts ! À un certain niveau de détail, les performances de l'écran elles-mêmes sont importantes, comme notamment le pitch, qui est le dernier filtre sur l'image que l'on regarde. Très important ce pitch ! Je suis d'ailleurs en plein dessus en ce moment.

5) Penses-tu que le CPC ait été sous-exploité graphiquement à l'époque ?
Je pense que le CPC a été très bien exploité de son vivant, mais pas par tout le monde, c'est certain. On a vu des transferts faits à la hâte pour profiter d'une bonne rentabilité économique sur ce secteur très porteur à l'époque. Mais certains jeux étaient de très grande qualité, et je pense que même si on est capable de faire mieux aujourd'hui, il faut revenir 20 ans en arrière et regarder les outils qui existaient. Faire des dessins au pixel était très laborieux, il n'y avait pas de souris. Aujourd'hui, on n'a pas de mérite à faire aussi bien avec des outils modernes. Il faut dire aussi que les derniers jeux étaient souvent dessinés sur Atari ou Amiga, le progrès était déjà en marche.

En 2008, je pense donc que le minimum, c'est de faire beaucoup mieux ! Une personne qui fait du CPC gratuitement (donc très motivée), qui n'a pas de délais de production (qui a donc beaucoup de temps), et qui utilise des moyens modernes de production (Photoshop, souris, tablette graphique, scanner) n'a aucune excuse pour faire un jeu moins bien qu'à l'époque. C'est pas si dur, c'est un peu comme du compagnonnage après tout ! Vous allez dans un meeting CPC, et vous pouvez discuter facilement avec d'autres graphistes. D'ailleurs, j'ai fait mon site de façon à pouvoir faire gagner du temps à ceux qui redécouvrent la machine en montrant des images techniquement intéressantes sur le plan graphique, sous la forme d'un musée virtuel. La seule chose, c'est qu'il faut savoir être un peu exigeant.

5 Bis) Que fait-on aujourd'hui de mieux qu'avant ?
Aujourd'hui, je serais embêté pour dire que tout ce qu'on fait est mieux qu' "avant". Si on prend toute l'histoire des jeux CPC, qui n'est pourtant pas la plus vaste, on compte largement plus de 3000 jeux. Si on ne compte déjà que les 100 plus beaux, il y avait des merveilles. Et aujourd'hui, je pense qu'on se situe globalement dans cette fourchette. Je préfèrerais qu'on soit à tous les coups plus soignés, c'est évident ! Mais il est difficile de rivaliser avec certains jeux de l'époque, et puis faire un jeu est aussi pour certains l'occasion de débuter aujourd'hui. Il y a donc une différence entre ce qu'on fait "mieux", et ce qu'il est possible de faire mieux.

5 Ter) Quelles sont les techniques et astuces qui n'ont pas été assez utilisées à ton goût ?
Le "hinting" a d'abord été très bien exploité sur Spectrum, peut-être mieux que sur le CPC qui avait moins de contraintes techniques. Puis les antialiasings sont venus tardivement, vers 1988 / 1989, où on voit aussi les plus beaux jeux. Ce qui n'a sans doute pas assez été utilisé à l'époque est un regard porté très près des pixels. Dans la démo, par exemple, des dessins de Made en mode 0 vont vraiment dans ce sens et sont à mon avis la continuté de ce qu'on trouvait dans les derniers jeux du commerce. Made a surtout été capable de lisser des couleurs avec d'autres qui ne sont pas simplement "plus sombres". Personnellement, je pense même qu'on peut aller encore plus loin sur des lissages : chaque pixel influence la couleur des pixels adjacents, il y a donc moyen de gratter un peu de qualité à partir de ça !

Mais selon moi, c'est sans doute le contraire qu'il faudrait se demander : qu'est-ce qui n'est pas assez utilisé aujourd'hui ? Et là, je dirais qu'on est trop porté sur les outils faciles : on devrait davantage prendre le temps de se demander pourquoi un graphisme rend bien, regarder de près ce qui a existé, et se donner les moyens d'être exigeant. Je pense que 3/4 des idées à trouver existaient dans des jeux, parfois utilisées maladroitement. Cela peut tenir à oser certaines combinaisons de couleurs, et pourquoi pas (allez, je me risque) : faire de l'art. Les rendus graphiques des machines 8 bits sont revenues à la mode de l'image : couleurs sursaturées, bruitées, pixélisées... profitons-en ! Il faut avouer qu'en dehors des progrès techniques, on a fait encore assez peu de progrès "artistiques".

De nombreuses autres possibilités « techniques » restent à peaufiner, inspirées notamment du subpixel (non directement transposable au CPC), ou l'utilisation des rasters, le flipping, et la combinaison de tout ça à l'animation, il y a encore du pain sur la planche.

7) Peux-tu expliquer succinctement ce que sont les techniques du « hinting » et de « l'antialiasing » sur CPC ?
L'antialiasing est une technique d'affichage qui permet de lisser les contours des pixels en tenant compte des informations non affichables. Par exemple, un pixel mesurant une certaine surface, s'il chevauche 2 zones distinctes de couleur différente, ne pourra afficher qu'une couleur : on choisira donc une 3ème couleur intermédiaire aux 2 surfaces, générant une sorte de flou de la surface du pixel. Le pixel ne pouvant se partager entre un noir et un blanc, par exemple, se verra attribuer un gris intermédiaire. C'est visuellement plus doux. Les modes graphiques du CPC étant assez riches, on peut se permettre de faire de l'antialiasing dessus.

Sur le Spectrum, par exemple, ce n'est pas vraiment réalisable. Leurs graphistes se sont donc limité à ce qu'on appelle aujourd'hui le « hinting », qui est l'art de déformer un peu la ligne d'origine, pour qu'elle passe exactement sur les pixels qui la représenteront à l'écran.

Ce sont des techniques qui n'ont rien de spécifique au CPC, elles sont aujourd'hui encore utilisées sous Windows pour afficher du texte par exemple. Un bon graphiste saura notamment mixer ces 2 techniques pour en combiner les avantages.

L'image ci-dessous représente un cercle de 6 pixels de large, mesurant environ 9mm sur un écran de CPC. Les 3 premières images ont été faites sur un PC en vue d'un transfert sur CPC ; la dernière a été dessinée sur CPC.

On voit bien que l'image PC est "parfaite", et ne restitue pas fidèlement l'image telle qu'elle apparaît sur un CPC. Déjà, la largeur des pixels est différente (légèrement plus haute que sur PC). Ensuite, le flou permet des astuces qui n'ont pas d'intérêt sur PC (voir le cercle de droite).
Normal : Un cercle parfait a été dessiné, puis réduit à cette dimension, en choisissant systématiquement le pixel le plus proche. Les déformations viennent du fait que l'ordinateur ne sait pas quelles sont les informations pertinentes à afficher.
C'est un défaut typique sur les transferts d'image par exemple. C'est le cas type de l'élément qu'il faut retoucher à la main.

Hinting : On redessine le cercle en choisissant les pixels les plus adaptés à la représentation de la forme. Le cercle étant symétrique, par exemple, on dessinera une forme symétrique. On n'utilise que les couleurs du cercle (blanc) et du fond (noir).
Technique indispensable pour des textes par exemple.

Antialiasing : Certains pixels étant sur une zone de chevauchement entre le noir et le blanc, on attribue le gris (un seul gris sur CPC) aux pixels chevauchant le cercle pour environ 50% de leur surface.
L'image présentée combine le Hinting avec l'antialiasing. Même un bon transfert automatique ne fera pas de hinting.

Autre... : Sur CPC, le subpixel est impossible dû au fait du manque de précision d'un tube cathodique : c'est une technique propre aux écrans LCD. En revanche, il est possible d'ajuster les couleurs de façons qu'elles s'inhibent les une les autres. C'est la luminosité des pixels qui ressortira, permettant de meilleurs dégradés. C'est le pitch de l'écran qui permet ce genre d'astuces.
Il est très difficile d'automatiser ce genre de lissage. De plus, on ne peut en apprécier la qualité que sur l'écran réel du CPC. Lorsque l'on doit dessiner sur un CPC, la maîtrise du détail est très importante.

6) Quels sont les points forts et faibles des capacités graphiques de la machine ?
Certains regrettent que le CPC n'ait pas de mode texte. Ce mode existe dans certains composants du CPC mais n'est pas câblé semble-t-il. Cela aurait permis certaines animations très fluides comme sur le C64. Mais si nous avions le mode texte, les résolutions graphiques auraient probablement été bien plus limitées techniquement. On peut éventuellement déplorer l'absence de sprites hard, qu'on trouve aussi sur le C64 et qui permet souvent des tas de bidouilles, mais ces sprites étaient rares à l'époque.

Sur CPC, par contre, on a une vidéo très paramétrable. On a réellement les mains sur le signal vidéo ce qui n'est pas mal non plus en terme de performances. Cela permet des plasmas fullscreen en pleine résolution et à 50Hz. On ne s'en lasse pas. Et puis les modes graphiques sont assez exceptionnels par rapport à un ordinateur de l'époque. On monte jusqu'à du 640x200 (qui peut facilement passer en 768x272 en fullscreen, sans bidouille), et les modes 320x200 et 160x200 ont respectivement 4 et 16 couleurs sans contrainte (contrairement à tous ces ordinateurs qui ont un mode texte, comme le Spectrum).

Et puis enfin, le CPC a une palette bénie de 27 couleurs. Certains râlent parce qu'ils auraient aimé des verts moins vifs, du marron, plusieurs gris, enlever ceci ou ajouter cela... et choisir les couleurs comme ce fut le cas sur le C64 : dépourvu de rouge vif par exemple ! Les couleurs du C64 en font son charme, mais imposent un certain "style graphique".

Les 27 couleurs du CPC sont créées selon une logique basique qui permet de couvrir tout le spectre et d'utiliser les logiques de couleur qu'on apprend à l'école ! Couleurs primaires, complémentaires, secondaires, tertiaires, équilibres chromatiques, etc. Tout y est ! C'est une boite à outils très équilibrée qui permet de nombreuses choses pour qui est curieux. Je pense qu'on est loin d'en avoir fait le tour.

Cette palette n'existe à ma connaissance que sur le CPC et elle n'en est à mon avis qu'au 1er chapitre de ses possibilités. Avis aux graphistes en herbe.

8) Qu'est pour toi une belle image sur Amstrad ? À quels critères doit-elle impérativement répondre ? Et y a-t-il des images qui t'ont vraiment marqué. Si oui, lesquelles ?
La question est très vaste. Diantre. Déjà, pour être belle, une image doit au minimum montrer une femme et un dragon !

Blague à part, je pense que cette question en cache 2. Il y a l'aspect purement esthétique d'une part, et l'aspect technique d'une autre part. Je pense que la valeur artistique d'une image ne tient pas dans des critères qui rentreraient en quelques lignes ici. Elle fait référence aux arts graphiques et n'est pas réellement quantifiable. Et en tout cas, elle ne tolère pas d'impératif.

L'aspect technique, en revanche, est au centre de petites polémiques intéressantes. Mais on ne peut pas exiger le même résultat d'un jeu sorti en 1984, en 1990 ou en 2008 ! Je regrette qu'aujourd'hui, beaucoup de gens aillent à la facilité. On a des outils de transfert comme le célèbre ImgConvCPC de Demoniak, qui permettent de créer en un clic une image réduite à la résolution du CPC. Mais cela ne suffit pas à en faire une image de bonne qualité. Ce transfert est brut de fonderie, et nécessite un important travail de retouche avant d'avoir une qualité intéressante. C'est précisément ce qu'il convient de ne pas oublier de faire. On est tous d'accord pour dire qu'un graphisme mauvais sera fait plus rapidement avec de bons outils. Pour moi, l'intérêt est d'utiliser le temps restant pour améliorer la qualité de ce qu'on ne savait pas faire avant.

Il faut passer la fascination de l'outil pour être capable de créer de la fascination sur le CPC.

9) Si un néophyte te demandait s'il existe une « méthode » efficace pour créer une belle image sur CPC (faut-il d'abord scanner une image papier, se lancer directement à main levée avec OCP, etc.). Que lui conseillerais-tu ?
Je pense que ça pourrait faire un article à lui tout seul, voire une rubrique, mais on peut toujours se fixer un point de départ. Comme bonne base, je dirais qu'il faut choisir la composition de l'image : quoi mettre sur l'écran et à quel endroit. À ce stade on peut utiliser tous les moyens modernes (tablette graphique, scanner ou utilitaire graphique type Photoshop ou Gimp). Ensuite, il faudra réduire l'image à une résolution CPC. Là encore, un logiciel graphique peut s'en charger, sinon, certains se créent leurs propres outils, selon leurs besoins. La dernière étape, réellement indispensable, comme je l'ai dit, c'est de transférer l'image sur un vrai CPC, et opérer les modification qui s'imposeront forcément. C'est une étape de finition, mais c'est la seule qui mérite de l'attention. On retouchera l'image directement sur le CPC (avec OCP par exemple), ou sinon, en procédant d'aller-retours entre le PC et le CPC si la technique utilisée l'impose (flipping, rasters, intégration à un programme...).

Personnellement, je n'agis pas de la même façon selon qu'il s'agisse de transférer une photo / dessin ou de composer un menu, ou encore de dessiner des sprites de petite dimension. Le premier peut s'automatiser en grande partie si on sait ce qu'on fait. Notamment, j'ai mes secrets de grand-mère dans ce domaine (qui ne le seront plus lors de mon prochain Slide Show j'imagine). Pour des menus, des banières, logos ou des structures plus rigides, je réalise une mise en page classique PC, en prenant en compte dès le début les contraintes CPC, je travaille donc plus ou moins avec la résolution définitive sur des logiciels actuels (calques, masquages, souris, etc.). Enfin, pour la réalisation de sprites, compte tenu de la petite taille des éléments à dessiner, je peux éventuellement tracer des contours de formes ou des grilles de dimensions sur le PC, mais très rapidement, je dessinerai sur CPC, car ces dessins demandent un très haut niveau de finition qu'on ne peut évaluer que sur l'écran réel du CPC.

10) As-tu de nouveaux projets sur CPC ?
J'ai surtout plein de vieux projets à terminer ! Et pour ne pas perdre la main, comme tout le monde, je fais mes petites recherches dans mon coin en parallèle, et puis ça me donne de nouvelles idées pour de nouveaux projets et la machine s'emballe ! Mes 2 prochaines réalisations devraient être Climax2 (la suite de Climax), ainsi qu'une participation à un superbe projet de jeu d'aventure (je vous en reparlerai le moment venu). D'autres recherches en cours devraient donner lieu à des démos ou slide-shows, notamment autour des méthodes de rendu sur lesquelles je travaille, soit en flipping, soit en mode 0 traditionnel. Mais je participe aussi à de nombreux autres projets dont je ne suis pas l'auteur.

11) Je sais que tu mets un point d'honneur à créer sur le véritable hardware par soucis de compatibilité. Les émulateurs ne sont-ils donc pas assez aboutis malgré leurs performances ?
La compatibilité n'est en général pas trop mauvaise (excepté pour Climax qui ne passe nulle part correctement). Mais les émulateurs font ce qu'ils peuvent avec ce qu'ils ont. Et le problème vient surtout de l'affichage au niveau de l'écran du PC. Les écrans sont le maillon faible du graphisme, surtout avec le développement des écrans plats LCD, dont la netteté et le contraste sont irréprochables.

L'écran du CPC est légèrement "flou", un peu comme une télé, et si on veut soigner son travail, il est important d'avoir une bonne appréciation du rendu final d'un dessin, en tenant compte de ce flou. C'est pourquoi dessiner sur PC a ses limites. On peut très bien avoir en tête que le rendu est différent sur le PC, mais il est important de s'en rendre compte en vrai. Et il est certain que lorsqu'on a aussi peu de pixels que sur un CPC, chaque pixel compte. Lorsque vous juxtaposez 2 pixels, ils ne réagiront pas de la même façon l'un sur l'autre selon le pitch de votre écran. Certaines couleurs arrêtent un trait, d'autres le prolongent, et c'est à ces détails qu'on peut réussir un dessin de petite taille. Ce travail de précision ne peut absolument pas être fait avec un écran plat LCD. C'est pourquoi il faut travailler avec un vrai moniteur. Parce que certaines juxtapositions de couleurs rendent très bien sur le moniteur d'origine du CPC, mais semblent très aproximatives sur un autre écran.

Parmi les principales différences entre le moniteur couleur du CPC et un moniteur PC (dont LCD), il y a le pitch des pixels (différent verticalement et horizontalement), mais aussi, le ratio hauteur / largeur de pixels (pas vraiment carré sur un CPC, surtout sur l'écran monochrome), les bavures entre les couleurs (certaines couleurs bavent plus que d'autres), la texture du moniteur donnant le grain (très important en mode 2 par exemple), et puis la fréquence d'affichage de 50Hz critique sur les images en flipping.

Mais de toutes façons, je n'ai plaisir à voir des graphismes CPC que sur un CPC ! Je veux de l'émotion pure, que diable ! Des vrais yeux avec un vrai CPC restent le meilleur moyen de regarder une image CPC !

12) Enfin, toujours concernant l'Amstrad CPC, as-tu quelques scoops ou anecdotes croustillantes « d'époque » à nous raconter ?
Bah, à la pleine époque du CPC, je n'étais pas très actif, donc je n'ai pas de bonne vieille anecdote à raconter. Peut-être parler d'aujourd'hui, au contraire. Je crois que j'ai toujours plaisir à montrer des nouveautés CPC à quelqu'un qui n'a rien vu tourner depuis 20 ans. Certains disent parfois « je ne pensais pas que c'était possible à faire sur un CPC », interloqués, tel hibernatus au saut du lit. C'est finalement la récompense de tout demomaker : arriver à faire tomber la mâchoire du gars en face qu'on a réussi à impressionner ! C'est naturellement 100 fois mieux quand ça se produit sur une production que l'on a fait soi-même... j'y travaille...

Merci beaucoup Sylvestre pour le temps que tu as passé sur cette interview ainsi que pour ton aide sur les divers petits articles qui concerne la machine au crocodile si sympathique.
Je me permets également de citer ton superbe site « Les Sucres en Morceaux » qui ravira n'importe quel CPCiste : http://sylvestre.cpcscene.com/