Ce qu'on appelle généralement "flipping" se rapportant aux images (ou "flipping pictures"), c'est une petite gruge qui permet d'augmenter artificiellement la résolution d'un ordinateur en alternant rapidement 2 images différentes et qui sont complémentaires. L'image résiduelle est améliorée en nombre de couleurs, mais la fréquence de l'image est alors divisée par 2, passant ainsi de 50Hz à 25Hz, au prix d'une gêne variable.
1- Définitions
Tout d'abord, quelques définitions importantes.
- La luminance
Je ne parle pas ici de la luminance utilisée dans le signal vidéo en parallèle avec la chrominance. C'est ici la quantité de lumière perçue, par opposition à l'intensité lumineuse, qui est la quantité de lumière émise. On pourrait parler d'efficacité lumineuse. Pour une longueur d'ondes donnée, la luminance correspond à son amplitude, et donc la luminance augmente lorsque l'amplitude augmente. Un peu comme le volume pour le son. En revanche, cette luminance est différente d'une longueur d'onde à l'autre pour une "intensité lumineuse" équivalente (même amplitude donc) : comme pour le son là aussi, où les aigus sont moins forts que les medium. Par exemple, pour un vert et un bleu de même puissance, la luminance du vert sera plus forte. De la même façon, les infrarouge n'ont pas de luminance.
- La couleur
C'est la longueur d'ondes de la lumière. Pour rester dans un registre du son, ce serait la note jouée, sachant que la lumière visible est réduite à une petite octave environ (du simple au double en gros, allant du rouge (760nm) au violet (400nm)). Une couleur est composée d'une somme importante de longueurs d'ondes. Mais dans cet article, je ne parle que des couleurs rouge, verte et bleue, qui sont les composantes primaires que reconnaît l'œil sans confusion, et qui sont la base de la synthèse additive utilisée pour tous les écrans. Par exemple, pour une couleur donnée, comme le violet, il y a de nombreux mélanges qui amènent à cette couleur, l'œil confond ces mélanges. On peut par exemple mélanger le rouge avec le bleu, mais on peut aussi utiliser une longueur d'ondes courte pure violette. Dans les système RVB, on ne considérera que la première solution. Ce système a été adopté parce qu'il permet de composer un exemplaire de presque toutes les couleurs "métamères" visibles. C'est le cas de toutes les couleurs de l'Amstrad CPC.
Au cinéma, chaque image
apparaît 2 fois : la fréquence
passe ainsi de 24 à 48Hz. |
2- La "Flashouille", c'est quoi ?
C'est la variation périodique de l'éclairement (papillotement). Par exemple, un néon qui clignote à 50Hz représente une gêne. La gêne dépend de la luminosité, de la fréquence et de l'angle de vision, qui constituent nos 3 règles à suivre.
Règle N°1 : Lumière !
On peut se permettre une fréquence inférieure si on baisse un peu la luminosité de la source clignotante. La raison est simplement qu'alors, on réduit le contraste entre l'image et le noir qui sépare 2 images. L'alternance entre 2 couleurs de luminance très différentes sera plus gênant qu'entre 2 couleurs de luminances proches. C'est pourquoi le scintillement est plus cruel entre les couleurs 0 et 26 qu'entre les couleurs 9 et 12. Ça semble évident, mais la théorie apporte parfois certaines solutions. Par exemple, même à 50Hz, personne sur CPC ne s'amuse à coder sur un fond blanc. On ne peut se permettre ça que sur un écran plus rapide (85Hz ou d'avantage). C'est parce que le blanc occasionne un fort scintillement (entre le blanc d'une part, et le noir qui sépare 2 images balayées à l'écran d'autre part). C'est probablement l'une des raison qui font qu'une image en flipping est plus supportable lorsqu'on la regarde avec des lunettes de soleil.
Règle N°2 : Plus vite !
La vitesse du taux de rafraîchissement d'une image peut rendre ce contraste supportable. Pour comparaison, les standards TV américains et européens utilisent des fréquences respectives de 60 et 50Hz, car on part d'un calcul de luminosité différent sur les écrans des 2 pays : la norme de luminosité des écrans est inférieure en Europe. Au cinéma, la zone sombre étant réduite (30% de la durée d'une image seulement), on peut se permettre une luminosité plus importante. Mais dans tous les cas (considérant le contraste permettant de lire une image), la fréquence ne peut pas "en théorie" descendre en-dessous de 30Hz (on utilise au cinéma 48Hz en doublant chaque image). Ce calcul part d'une animation dont les images sont séparées par du noir. Ce qui veut dire que le flipping sur Amstrad occasionnera forcément une gêne sensible dès lors qu'il sera opéré sur des écrans réglés à 50Hz, l'image résiduelle étant de 25Hz. Cependant, on peut friser le confort si l'image est bien étudiée, à faible contraste, sur de petites surfaces, ou en réglant le moniteur à 60Hz ou +.
Règle N°3 : Plus au centre !
À noter que l'angle de perception est aussi un facteur : une "flashouille" sera moins perturbante vue de face qu'en vision périphérique. C'est important si on considère la taille de l'écran. Cela veut aussi dire qu'on supportera plus facilement un flipping sur une surface bien centrée que l'on regarde, que sur un élément secondaire sur le côté et de surface identique. C'est lié à la vitesse de réception des capteurs de l'œil : la vision périphérique est dédiée à la lecture des mouvements. Exemple : mettez l'écran CPC en blanc, et regardez à côté de l'écran à un angle de 45°. Le scintillement est beaucoup plus prononcé.
3- Combien de couleurs en flashouille CPC ?
Tout d'abord, il faut considérer la composition des couleurs du CPC comme étant la résultante des états allumé (100%) / demi-allumé (50%) / éteint (0%) de chaque composante Rouge, Verte et Bleue (ne nous encombrons pas des valeurs précises). La réalité voudrait que nous prenions une mi-teinte supérieure à 50%, pour compenser les réglages généralement utilisés sur les écrans de CPC, mais pour simplifier, nous garderons les valeurs de 50% pour la mi-teinte, et de 25% et 75% pour les valeurs obtenues par flipping, voir ci-dessous.
|
Les 27 couleurs du CPC |
Si mon calcul est bon, je crois qu'il est possible de mélanger 351 couleurs sur CPC, auxquelles on peut ajouter les 27 couleurs naturelles, ce qui fait un total astronomique de 378 couleurs. Mais en fait, compte tenu de la façon qu'a le CPC de produire ses couleurs, on peut réduire ce choix. En effet, de nombreux mélanges donnent exactement le même résultat, à quelques effets secondaires près. Par exemple, les mélanges suivant donnent tous la même couleur : 1 & 14 / 10 & 5 / 2 & 13 / 4 & 11. Ce n'est donc pas la meilleure façon de compter les couleurs de la palette étendue.
Le plus pertinent est de s'attacher non pas à la façon que l'on peut avoir de mélanger les couleurs, mais au résultat que l'on peut espérer. Dans ce cas, revenons à la façon qu'on a eue de présenter les couleurs du CPC : les composantes RVB.
Le CPC a 3 états pour chaque composante. Il peut donc afficher 33 = 27 couleurs. Mais si je prends indépendamment chaque composante, je peux combiner 0% avec 50% pour obtenir environ 25%, et combiner 50% avec 100% pour obtenir environ 75%. Cela me donne en tout 5 états : 0%, 25%, 50%, 75%, 100%. Par flipping, le CPC peut donc afficher 53 = 125 couleurs (incluant les 27 couleurs de base). Cela ne veut pas nécessairement dire qu'elles sont toutes simultanément à l'écran, mais qu'elles sont disponibles (tout comme les 27 couleurs de base).
|
Les 125 couleurs du CPC,
obtenues par flipping. |
Notons au passage que le C64, s'il a moins de couleurs que nous, peut avoir davantage de mélanges que nous : 136 couleurs.
C'est cette méthode que nous retiendrons tout au long de ces articles, permettant de n'avoir que des couleurs "acceptables".
Méthode bourrin :
L'alternative est de compter aussi la valeur résultante du flipping de 0% et de 100%. C'est visuellement infecte, mais c'est une teinte théorique qui se différencie nettement de la valeur 50%. Pour comprendre cela, il suffit d'admettre que la vitesse de l'affichage combinée à la persistance rétinienne mettent les valeurs de clignotement à environ 65% (à la louche). En comptant ce nouveau croisement, on obtient ainsi les 6 valeurs au lieu de 5 : 0%, 25%, 50%, "65%", 75% et 100% sachant que le palier à 65% est visuellement très violent. Dans ce cas, on obtient 216 (=63) couleurs, incluant les 125 précédentes.
|
Les 216 couleurs
incluant les
couleurs horribles. |
Au cours de cet article, nous ne considérerons pas ces couleurs, que je considère comme "non souhaitables", de façon à me faire moins d'ennemis... Ces couleurs apparaissent cependant à certaines occasions, notamment lors de transferts, puisqu'il n'est pas toujours possible de les éviter.
4- Quel est le principe d'une flashouille sur un CPC ?
Déjà, histoire de bien se remettre dedans, voilà comment on pourrait représenter la création des 27 couleurs sur CPC :
|
Ci-contre, un exemple simple de la façon d'afficher du rose (16) sans flipping. On peut voir que le rouge est en R2 (donc à 100%) tandis que les autres valeurs sont à 50% (en V1 et B1).
|
Ce petit graphe montre bien les 3 niveaux de luminosité de chaque composante RVB. Sur le graphe, j'ai ajouté une courbe grise qui représente à titre d'exemple la couleur 16 (le "rose chair").
L'idée du flipping est tout simplement d'alterner à 50Hz les 2 couleurs qui encadrent la couleur souhaitée. Par exemple, si nous voulons un rouge très sombre, on alternera les couleurs 0 et 3. L'image ci-dessous nous présente le graphe d'une couleur rose qui fait partie des 125 couleurs disponibles par flipping :
|
À gauche, l'exemple d'une couleur que l'on souhaite afficher, mais qui n'est pas dans la palette des 27 couleurs standard du CPC. Les valeurs souhaitées sont R=75%, V=25%, B=50%.
|
Dans l'exemple ci-dessus, la couleur que nous souhaitons afficher est comprise pour le rouge entre les bornes R1 et R2, pour le vert entre V0 et V1 et pour le bleu, elle est stable sur une valeur CPC qui est B1. Nous n'aurons donc pas besoin de faire varier la luminance pour le bleu, mais seulement pour le vert et pour le rouge.
Mais a-t-on le choix des couleurs que l'on alterne ? Tout dépend de la couleur que l'on souhaite afficher. Dans notre cas, nous avons 2 possibilités.
L'un des moyens de faire varier ces couleurs est de prendre la couleur correspondant aux bornes supérieures (R2, V1, B1), le 16, et celle qui est sur les bornes inférieures (R1, V0, B1), le 4.
Mais une autre combinaison existe : elle consiste à "croiser les bornes" d'une couleur à l'autre. On pourra ainsi alterner R2, V0, B1 (le 7) et R1, V1, B1 (le 13).
|
Cette couleur peut s'obtenir par le mélange de |
|
|
ou de |
|
|
5- Croyez-vous tout savoir sur les couleurs ?
Maintenant, un peu de théorie chiante de la couleur. Chacun sait que les tubes cathodiques composent les couleurs à partir des 3 composantes RVB pour obtenir une reproduction visible par l'homme de la plupart des teintes de la nature (allez : presque toutes). On considère le sommet des couleurs comme étant blanc. À ce titre, toutes les couleurs sont évaluées de façon à ce qu'on obtienne le blanc lorsque R, V et B sont chacun à leur maximum ; pour un gris de moitié, on prendra la moitié de chaque valeur qui permet d'obtenir le blanc. Jusque là, c'est facile.
Question : si je mélange une même puissance de R, V et B, j'obtiens quelle couleur ? Le blanc ? Perdu. J'obtiens du bleu (R=85, V=43, B=231). Et puisque vous mourrez d'envie de le savoir, la lumière du ciel est plutôt "verte" (504nm)... si on se fie uniquement à la puissance émise, car chacun sait qu'elle est plus ou moins blanche : l'œil est calibré par rapport à la lumière qui nous parvient du ciel. Les longueurs d'ondes ne nous arrivent pas toutes en quantité identique. C'est pourquoi on recompose artificiellement ce "déséquilibre" lors de la création artificielle de couleurs.
Pour avoir un blanc de valeur 100 à partir des 3 couleurs primaires qu'on a choisies sur les écrans CRT, il me faut 59 de vert, 30 de rouge et 11 de bleu (en gros). C'est un peu arbitraire, car chaque couleur remplace une frange complète du spectre lumineux visible, mais ça marche plutôt bien dans l'ensemble. C'est l'écran qui fait cette partie du boulot, le CPC, lui, n'envoie que des valeurs RVB allant de 0% à 100%.
Ces valeurs n'ont rien de précis, car elles changent en fonction de la luminosité : un mélange aux mêmes proportions ne paraîtra pas aussi saturé selon sa luminosité. Notre vision a une capacité d'adaptation. Ce sont simplement des normes appliquées à la synthèse de couleur des écrans.
Voilà. C'est donc là que je voulais en arriver. Les couleurs ne sont pas utilisées avec les mêmes degrés de luminance, de façon à avoir une synthèse de couleurs équilibrée. C'est pourquoi le clignotement de certaines couleurs entre elles est plus violent que d'autres. Vous savez maintenant que sur les écrans CRT, 100% de bleu est moins lumineux que 100% de vert. L'intérêt, c'est que maintenant, on peut le mettre en équations et gagner du temps sur le choix des couleurs qu'on alterne.
6- Quelles couleurs privilégier ?
Des 3 règles vues plus haut, compte tenu de la luminance des couleurs primaires, on sait qu'il est important, quand on a le choix, de réduire l'écart de luminance pour obtenir une couleur donnée. Sachant que la luminance est forte dans le vert et faible dans le bleu, on pourra faire un rapide calcul pour savoir quelle est la gêne de chaque couleur. Par exemple, si on veut une couleur (différente de la précédente) de valeurs RVB 75-25-75%, on a plusieurs choix.
4 et 17 : (50x30+0x59+50x11) / (100x30+50x59+100x11) = 0,29 proche de 0, la pire combinaison.
8 et 13 : (100x30+0x59+100x11) / (50x30+50x59+50x11) = 0,83 proche de 1, plus acceptable.
Les autres solutions se situent entre ces 2 combinaisons et sont 7/14 et 5/16.
On n'a jamais plus de 4 solutions différentes (parfois moins, comme dans l'exemple précédent), alors ne cherchez pas trop longtemps ! Pour être précis, si on change une seule composante (R, V ou B), on n'a qu'une solution possible ; si on en change 2, on a 2 solutions possibles, et si on change les 3, on a 4 solutions possibles.
Sans vouloir trop s'embêter avec des maths, on aura la même réponse avec des valeurs différentes si on divise simplement les valeurs des couleurs (car leur numérotation en basic est bien faite) :
|
|
4/17= |
0,24 |
5/16= |
0,31 |
7/14= |
0,5 |
8/13= |
0,62 |
|
Cette couleur peut s'obtenir par les mélange suivants : |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Mélanges classés du plus agressif au plus discret > |
|
|
|
|
|
|
|
|
En fait, pour les passionnés de maths, comme la somme des combinaisons identiques est toujours identique (21 dans notre cas), il suffit simplement de regarder le couple qui a le plus petit gros chiffre (ou le plus gros petit chiffre, comme vous préférez), vu qu'on ne cherche pas à quantifier, mais à qualifier. Ça revient à choisir le plus faible écart en valeur.
Sinon, y'a bien une dernière solution, mais... allez, j'ose : vous tapez SPEED INK 1,1 et puis INK 0,4,17 et puis INK 0,8,13... il suffit d'essayer !
Ok, ok.. bon. Mais concrètement ?
Quelles sont les couleurs à mélanger : les variations de composantes individuelles sont à prendre en compte par rapport à la luminance globale du mélange. C'est à dire que si vous avez le choix des couleurs à clignoter, il vous suffit de préférer le bleu au vert, et si vous faites clignoter du vert, c'est toujours mieux s'il est noyé dans une masse de rouge ou bleu qui clignotent en sens inverse. Exemple : 4,9 est mieux que 13,0
En d'autres termes, s'il n'y a qu'une règle à retenir, c'est celle-ci : un changement de couleur est plus supportable qu'un changement de lumière.
7- Un peu de bio-hacking ?
À l'Amstrad expo 2003, Ced & Barjak avaient trouvé une idée intéressante pour atténuer l'ambiance flashy : mettre un objet super flash d'un côté, le reste devenait du coup beaucoup plus doux par comparaison... :-)
C'est sans doute l'une des raisons qui font que les flippings sont plus acceptables sur fond clair : le scintillement naturel du blanc à 50Hz donne en soi un référentiel.
D'autre part, cette luminosité générale a aussi l'avantage de contracter l'iris, ainsi, on assombrit l'ensemble de l'image au niveau de l'œil et rend le flipping moins visible. Comme si on mettait des petites lunettes de soleil naturelles.
|