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L'antichambre du graphisme : le transfert !
article écrit le 25/01/2009, révisé le 03/02/2014

Réflexions sur la différence entre le bon et le mauvais graphiste...

Entre autres trolls qui circulent en meeting, il en est un sublime qui remet en cause la légitimité des transferts. Le transfert consiste à adapter aux contraintes techniques du CPC une image venant d'un autre ordinateur. Si par exemple on veut travailler avec un scanner, une tablette graphique ou un appareil photo numérique branché à un PC, il faudra transférer l'image sur le CPC. Mais en fait, on parle surtout de transfert lorsqu'il s'agit d'une image venant d'ailleurs, et dont la réalisation n'était pas dédiée au CPC. On oppose ainsi facilement le "bien" au "mal", le labeur à la facilité, la qualité à la quantité, la passion au tourisme, le pur à l'hérétique, le gentil au méchant, OCP à Photoshop... Ainsi on a vu certains graphistes faire croire qu'ils étaient les auteurs d'images alors qu'elles venaient du web, simplement pour en anoblir le résultat, perdant ainsi toute crédibilité sur leurs productions à venir (qui ne viennent d'ailleurs pas).

L'injuste procès fait aux transferts est finalement le procès de la facilité. Il faut bien comprendre qu'à l'époque, les transferts étaient absolument tous laids (dartscan, vidi et autres), et il était de coutume de récupérer des images hackées de jeux parce qu'on manquait de graphistes ou qu'on ne savait pas y faire. Les codeurs peu soucieux utilisaient aussi parfois d'autres machines pour récupérer des graphismes avec une qualité de transfert souvent douteuse. Il est né de tout ça une idéalisation du graphisme original réalisé sur CPC, et un bannissement du transfert, source de tous les maux.

FreeBSD 3 : Transfert vidi on ne peut plus classique, flou à souhait.
Vomit Vision : des images à vomir. Exemple d'horreur ordinaire en mode 0.
Video Digi Show : Encore une image responsable de la notoriété des transferts...

25 ans plus tard, les progrès ont rendu caduques ces critères : toutes les scènes utilisent le "crossdev" avec d'excellents résultats. Seul le CPC semble encore souffrir d'une éthique interdisant le progrès. Au fil du temps, les CPCistes ont construit un mur d'idées reçues élevées au rang de dogmes, incompréhensibles pour les nouveaux venus dont les valeurs ne sont plus celles de 1985... Sur CPC, on n'a pas vu le temps passer. La rareté des progrès comparée à d'autres machines 8bits semble avoir arrêté le temps.

Les idées reçues qui circulent aujourd'hui sont naturellement toutes fausses, et ne servent qu'à asséner un blâme facile à des productions qui ne suivraient pas un dictat imposé par des improductifs réactionnaires en mal de justification. Cela repousse le débutant à son rôle d'inculte, occultant son potentiel créatif émergeant. N'oublions pas que toutes les stars du graphisme sur CPC avaient commis leur lot de transferts : c'était probablement un bon terrain de recherches.

Le discours sur le transfert cache en fait plusieurs phobies qu'il convient de traiter. Après quelques années de maladie, il est temps d'allumer le bûcher des idées reçues pour laisser la porte ouverte à un renouvellement vital du graphisme sur CPC. Apportez-moi les encens et le poulet à égorger...


Procédons au sacrifice !

Il est donc temps de casser un certain nombre de dogmes qui sévissent. L'instruction rendra leur liberté aux débutants, et remettra chez eux les incultes donneurs de leçons. Cassons donc ces principes les uns après les autres. Égorgeons les ancêtres dans un sacrifice rituel, car il est temps de leur montrer qu'ils se trompent.

Digital Dream : Cliquez sur l'image pour bien apprécier le travail de goret sur les pixels. Même les lignes ne sont pas droites. Cette image vient certainement d'un transfert Amiga en mode HAM.

1 - Un bon graphiste ne fait pas de transfert
Tout d'abord, ces bavards ne font pas la différence entre un graphiste et un illustrateur :

Un illustrateur peut s'apparenter à un dessinateur. Il pourra partir de zéro pour réaliser ce qu'il a en tête. Mais certains pourront aussi partir d'une photo qu'il retravailleront. Les illustrateurs cherchent à réaliser des compositions originales selon un thème qu'ils ont en tête. Ces illustrateurs sont généralement partis de copies de la réalité pour apprendre à exercer leur art, notamment en dessinant ce qu'ils avaient sous les yeux. Exemples d'illustrations : visuel de packaging, couverture de livre, recueil d'illustrations, affiche de cinéma (dans certains cas).

Les graphistes, eux, peuvent très bien partir de ces illustrations ou de photographies et créer des compositions à partir de ces éléments. Il y ajouteront des éléments plus personnels, et recomposeront l'ensemble en partant des éléments à leur disposition, comme les polices de caractère, des textures, des ambiances imposées ou autre. Le graphiste n'a pas pour vocation de faire de l'art... quoique... la loi des séries imposée par l'industrie en a inspiré plus d'un. Exemples de graphismes : composition de packaging (incluant lettrages, specs produit, traductions et code barre), mise en page d'un livre, réalisation d'éléments de mise en page web...

Peut-être devons-nous finalement plutôt blâmer le manque d'illustrateurs sur CPC, cela foutrait un peu la paix à des tas de gens qui ne se revendiquent pas artistes. Mais n'excusons pas tout : si un artiste utilise une illustration, il se doit d'en faire bon usage, notamment en réalisant un transfert de qualité, digne du 3ème millénaire.

Donc : "Un bon graphiste peut travailler à partir d'illustrations dont il n'est pas l'auteur"

2 - Faire une image depuis zéro est plus créatif que de partir d'un transfert

"Si vous voulez faire une tarte aux pommes à partir de rien, il vous faudra d'abord créer l'univers." Carl Sagan

La créativité ne saurait partir de rien. C'est simplement impossible. Un auteur partira forcément de ce qu'il observe, ce qu'il vit, de sa façon de l'interpréter, de son vécu ou de ses souvenirs. Ce sont ces souvenirs qui au minimum sont nécessaires à la constitution d'un cerveau en fonctionnement. Un cerveau absolument vide ne peut avoir de concept, car il ne peut manipuler la moindre idée. Partant de ça, il devient évident que la créativité ne peut s'exercer qu'à partir d'un objet. On ne crée rien, on réinvente tout.

Ce n'est d'ailleurs pas parce que l'illustrateur partirait d'une photo qu'il ne serait pas créatif. D'ailleurs, ça reviendrait à considérer qu'un photographe a une créativité zéro, puisque justement, il fait la copie par excellence de ce qu'il observe. Vous savez le plus drôle ? L'apparition de la photo a même réussi à inquiéter la profession entière de peintre voilà un siècle, comme quoi la peinture ne devait pas être très créative non plus... Même Van Gogh s'est ensuite "contenté" de reproduire le réel.

Il ne faut pas dénigrer le fait que le rendu (aspect purement formel d'une œuvre) ait été un point crucial des avancées de l'art. Et il ne faut pas non plus oublier que tout ce qui a fait l'histoire de l'art est composé d'œuvre bien souvent censurées par les commendataires (rois, monarques, curés, etc.). On y découvre les apparitions de la perspective, des rendus (perle, tissus, chair, métal...), et finalement, il aura fallu attendre la fin du 19ème siècle pour voir apparaître des peintres s'affranchissant vraiment de la ressemblance, probablement parce que la photographie leur bottait le cul. C'est ainsi que certains expressionnistes ont eu l'idée de rendre la peinture par des "rendus" différents, comme ces célébrissimes pointillistes, ou des fauvistes, précurseurs du CPC n'ayant pas peur de saturer les couleurs. Certains sont allés jusqu'à destructurer carrément la forme (Picasso à même fait du "transfert cubique" à partir de ça) et tout ça, bien souvent en partant d'un modèle qu'ils avaient sous les yeux.

À ce niveau, un transfert peut tout à fait s'intégrer dans une interprétation du réel : le transfert impose naturellement l'interprétation d'une image sous la contrainte d'une technique, tout comme l'hyperréalisme impose l'invention de la perspective et du rendu, ou la peinture révèle le trait, écriture du peintre. Ce qu'il faut, c'est apporter quelque chose de nouveau, même un tout petit quelque chose. Réfléchir à un nouveau type de rendu peut être bien plus recherché que de faire sortir de son esprit une biche dans un pré, même si elle n'existe encore sur aucun calendrier de La Poste...

Donc : "La créativité est l'apanage de ceux qui savent transformer la matière qu'ils ont entre les mains."

3 - C'est un transfert donc c'est de la merde

Bubble Gum 2 :
Version CPC d'une pomme de terre dans un pré !

Pour être vrai, cela supposerait donc 2 choses : que l'image résultant du transfert soit absolument identique à celle d'origine (puisqu'alors, il n'y aurait aucune place à l'interprétation), ce qui n'est pas possible à nos résolutions, mais aussi que les démarches basées sur la reproduction du réel (peinture d'un Van Gogh, photographie, démarche de Andy Warhol...) n'aient aucun intérêt. On peut objecter qu'il est ici une question de point de vue, mais rejeter TOUTES ces disciplines en bloc tient de l'autisme. Il faut bien comprendre que la démarche de l'auteur peut aussi bien tenir à une sémantique (choix d'une composition par exemple) qu'à un travail plus formel (interprétation d'un modèle selon des couleurs). N'a-t-on pas vu des transferts sur CPC dont l'image d'origine verte se voyait remplacer tous ses dégradés par du bleu ? Il aura au moins fallu un niveau minimum d'interprétation pour y penser.

Cela ne veut pas nécessairement dire qu'un transfert est d'emblée intéressant. Cela veut simplement dire qu'il faut regarder de quoi est fait ce transfert avant de le jeter avec l'eau du bain. N'oublions pas que réussir un transfert suppose de nombreuses choses : interpréter et choisir les couleurs qui s'y prêtent, recadrer l'image originale si besoin, transformer le rendu (grain, lissage, trames, position des lignes), choisir la technique la mieux adaptée à l'ambiance choisie, et surtout : choisir l'image qui s'y prête le mieux. Peut-être qu'atteindre la perfection dans chacun de ces critères reviendrait à faire de l'art... C'est nettement mon sentiment quand je regarde ce qui se fait parfois sur ZX Spectrum.

Cela n'est pas pire que la démarche de certains photographes de prendre en gros plan des trames vidéo contenant des vues de films ou d'émissions de télé. Mais peut-être que les détracteurs ne sont pas encore prêts à en saisir l'intérêt...

Donc : "Un transfert peut parfois avoir plus d'intérêt que certaines compositions originales"

4 - Pour être bien, un gfx doit être fait sur CPC

Mario :
En 2009 avec Photoshop, on en est encore là...

Si on considère par "bien" le résultat du gfx sur le CPC, il faut bien admettre que les outils CPC étant très rudimentaires, ils limitent à eux seuls les possibilités graphiques offertes au graphiste. Celui-ci aura toutes les peines du monde à construire une perspective complexe, à faire des essais multiples de rendus différents, à avoir un trait naturel, comparer des ambiances, positionner du texte avec des avant / arrière-plan et de façon itérative. Plus l'outil est transparent, moins le résultat sera induit par l'outil et plus la réalisation sera fidèle à l'idée de départ.

Je ne dis pas que le CPC est mauvais pour y réaliser du graphisme. Je dis simplement qu'il faut prendre les outils les mieux adaptés à certaines tâches, et qu'il n'existe pas d'outils dédiés à du graphisme complexe sur le CPC. En revanche, le CPC reste le meilleur moyen d'évaluer la qualité du travail réalisé. Et aujourd'hui, il reste l'outil incontournable pour polir une image.

Quid d'une démarche utilisant exclusivement le CPC comme moyen de production ? Pourquoi pas après tout. Certains peintres se plaisent à peindre avec leurs pieds ou lorsqu'ils sont saouls... l'utilisation d'outils CPC peut suivre une démarche précise. Mais elle ne s'oppose pas à l'utilisation d'autres outils.

Donc : "Les outils PC permettent une extension des possibilités graphiques sur CPC"

Quelle est la bonne recette ?

Histoire de bien lisser tout ça, voilà à quoi revient l'équation :

D'un côté on a les moyens utilisés, qui selon moi ne devraient souffrir d'aucune critique, tant ils ont vocation à disparaître derrière l'œuvre ainsi créée. Ces outils ont simplement pour vocation d'être adaptés, et l'auteur se doit de ne pas s'en suffire.

Et d'un autre côté, on a l'intérêt proprement dit de l'image réalisée. Cet intérêt peut provenir de différents facteurs : le sujet observé, l'originalité du thème, le message transmis, l'émotion produite, le décalage graphique, l'approche formelle, le choix d'une ligne... l'auteur est libre de sa démarche, pourvu qu'une approche personnelle existe quelque part. Il n'est pas nécessairement question pour un graphiste de faire de l'Art, mais il est vrai qu'on attend de lui au minimum un souci du travail bien fait, qu'il se situe comme "graphiste" ou comme "illustrateur".

On peut finalement conclure que ces vieux grincheux de la scène CPC ont toujours raison sur une chose : le travail bâclé, c'est mal. Leurs propos un peu simplistes ne les aide pas à convaincre, il faut l'avouer. Mais finalement, le problème qui existait à l'époque du CPC existe toujours bel et bien ; il a simplement pris une autre forme. Là où on utilisait le dartscan, on utilise aujourd'hui CPC Image Converter après avoir scanné une image sur PC. L'équation reste la même :

Outil mal utilisé = ratage automatisé
Outil bien maîtrisé = image optimisée

Partant d'une même image, on ne peut pas dire que l'intervention du graphiste soit neutre.
À gauche, un transfert de Vomit Vision, à droite, le même transfert par MaDe vu dans Crystal 2.

L'équation est donc simple. On peut avoir de bons outils, on ne fera pas mieux que le voisin si on ne se donne pas un peu de mal pour bien les utiliser.

Ensuite, il y a le critère d'originalité d'une image. Celui-ci est certes important, car c'est lui qui confère le plus fort caractère de "communication". Mais il faut bien voir qu'une image, quelle qu'elle soit, présente peu d'intérêt sur une machine si l'auteur n'en maîtrise pas le rendu. C'est d'autant plus vrai s'il s'agit de demomaking, dont le maître mot est "optimisation".

Mais même en peinture : on ne regarde généralement pas plus loin que le touchant premier pas d'un enfant qui aurait représenté la plus belle pomme de l'univers : celle de ses rêves. La pomme a beau être issue d'une démarche personnelle forte, un simple "elle est jolie ta pomme de terre" démontre à cet enfant qu'il serait bien inspiré d'apprendre à déjà dessiner une pomme, quitte à en copier une autre, pas dans ses rêves cette fois. Il aura ensuite certainement un autre effort à faire, c'est de savoir représenter ce que cette pomme a de mieux que les autres. Mais c'est une autre histoire. Sur CPC, on en est encore un peu à apprendre à dessiner des pommes.