Mode 0
Les graphismes de jeu
écrit le 17/08/2007, révisé le 12/07/2012
Le mode 0 est probablement le plus complexe à exploiter pour des images de petite taille, mais on peut dire qu'un merveilleux travail a été fait depuis la sortie de la machine. En fait, la taille des pixels oblige à dessiner des formes "plus petites qu'un pixel", en usant et abusant du jeu de l'antialiasing (ou subpixel ou encore "lissage"). Il s'agit d'un travail de suggestion plus que de dessin réel. Il faut bien voir que cette résolution a longtemps été sous-utilisée si on considère ce que sont devenus les jeux à la fin de l'ère commerciale. À partir de 1988 (premiers antialiasings sur les images d'intro des jeux), on commence à voir apparaître un travail réellement fin sur les couleurs et la forme des objets de petite dimension.
Si on compare les graphismes des jeux CPC avec ceux du C64, on s'aperçoit que le C64 avait pour lui une palette désaturée permettant d'avoir d'emblée des ambiances naturelles "vraies", avec des teintes pour les feuillages, un dégradé de gris, un rouge brique... et on peut penser que les premiers jeux CPC étaient très criards à côté. Mais l'atout du CPC étant de pouvoir utiliser des objets en 16 couleurs dans cette résolution (contre maximum 4 par zones pour le C64), un bon niveau de maîtrise technique du pixel aura permis avec le temps et l'exigence imposée aux graphistes de "tricoter" habilement l'agencement des pixels pour compenser cette palette un peu saturée en faisant des sprites très colorés, bien plus riches que sur son concurrent de l'époque.
Aujourd'hui, avec le recul, on peut regarder ces jeux comme ayant chacun une ambiance propre, preuve que les limites de couleur ont su être exploitées au mieux pour servir l'expression des jeux. Les faiblesses du CPC pour rendre des texture de rocher, de bois, de feuillages, d'acier, de chair là où on le croyait condamné à dessiner des bonus et autres boutons colorés, ont pu être compensées par l'agencement des couleurs entre elles et le maniement des pixels.
Depuis le temps que je dis que cette palette des 27 couleurs est la meilleure de toutes, il faudra bien que le mode 0 me donne raison !
Satan
Superbe exemple où on a vraiment de tout : décors, sprites, icones... et on quitte les couleurs un peu "bateau" habituelles. |
Narco Police
Jeu sur fond noir (certes) mais avec de grands sprites bien dessinés et beaucoup de détails. |
Gryzor
La mascotte du CPC ! En fait, il est surtout innovant dans sa qualité puisque c'est le premier jeu vraiment beau, ce qui explique l'utilisation de dégradés assez classiques (quoique...). |
Axys
Un jeu qui a bien su s'inspirer de ses pairs notamment pour les palettes de couleur (ici, notamment dans les bleu et gris). On pardonnera certains rips de Xenon pour l'occasion... |
Exploding Wall
Ce jeu utilise très bien la brillance des objets (verre, métal) pour se protéger de dégradés trop doux. Le clinquant dessine les reliefs et dynamise l'écran. |
Turbo Girl
L'utilisation des dégradés du bleu au mauve est assez particulière dans ce jeu, donnant une ambiance assez riche. |
Spherical
Des recettes de reflet / dégradés de orange assez classiques, mais vraiment bien utilisées, surtout à cette taille. Le jeu est particulièrement bien lisible. |
RAM
Un jeu parmi ceux qui assument très bien le vert tellement criard du CPC. Les dessins sont tout en antialiasing, avec un soin particulier apporté aux détails. |
Enfin des graphismes qui ne sont pas de bêtes portages d'autres machines ! En effet, même si certains jeux sont transférés depuis les machines 16 bits (Rick Dangerous, Forgotten Worlds, Xenon, Targhan...), la spécificité des couleurs et de la forme des pixels du CPC obligent à redessiner complètement les sprites. En tout cas, les plus beaux dessins sont incapables de venir directement d'une autre machine 8bits sans transformation importante. Les meilleurs dans ce genre sont probablement les jeux travaillés en parallèle pour le 6128Plus et le CPC, où il s'agissait d'adapter la palette d'une machine à des graphismes prévus pour l'autre (SuperCauldron, Prehistorik2 à la section rasters). Mais ils souffrent toujours de couleurs mal ajustées si on regarde les dessins dans le détail. Bien que la performance était parfois de qualité, on déplore des couleurs simplement ternies sur la version 6128Plus (Panza Kick Boxing), ou des blocs de couleur mal lissés sur la version CPC (Super Cauldron).
L'histoire des jeux CPC n'est peut-être pas la plus vaste, mais parmi celle-ci, de très nombreux jeux ont su lui faire honneur, puisqu'une majorité des derniers jeux sortis sur CPC utilise le mode 0.
Commentaire :
Le mode 0 permet d'utiliser sans complexe la palette de couleurs du CPC presque au complet sur un seul écran, puisque sur les 11 couleurs qui n'apparaissent pas (seulement 16 couleurs apparaissent sur les 27), on place généralement les couleurs "doublon", qui sont très proches d'autres couleurs, comme par exemple les couples 11/14, 19/22, 18/21, 10/13, 24/25, 9/12, 2/5, 6/7, 20/23... Cela dépend naturellement de l'ambiance choisie. Ainsi, c'est comme ça que se construisent certaines palettes de couleur, privilégiant des dégradés utiles de vert, de bleu, de rouge... afin de prévoir des effets de lumière sur des éléments de jeu différenciés par leur couleur.
C'est de cette façon que sont construites les palettes de Savage, Skweek, Viage al centro de la Tierra, Strider2, Rick Dangerous, Metropolis, Game Over, Forgotten World et bien d'autres. Par comparaison avec le mode 1, on pourrait dire que les dégradés sont organisés comme des successions de palettes de "mode 1 monochromes". Bien que n'étant pas le travail le plus subtil, il reste néamoins très intéressant par le travail d'antialiasing, où on commence enfin à observer des formes moins "carrées" que la forme des pixels peu discrets pourrait pourtant amener. Shadow Warrior est un bon exemple de ces lissages sur les personnages, bien que les décors soient un peu pauvres.
Naturellement, on commence rapidement à observer des palettes enrichies de chacun des "doublons de couleur" pour apporter un peu de subtilité au paysage : cumuler le 10/13 pour salir un peu le gris, le 9/12 pour enrichir des feuillages, comme c'est le cas dans Renegade, Gryzor, Targhan (avec notamment le 15/16 et le 6/7), Super Tank Simulator, ou Xenon qui fait un excellent usage du doublon 2/5.
La dernière catégorie de jeux à mes yeux, est probablement celle qui ne cherche pas forcément à prédéfinir des dégradés figés, mais peut très bien compléter une couleur en la dégradant vers une autre différente comme par exemple Trantor, où le vert du décor est atténué par un gris et un jaune pastel, Prehistorik et Sirwood qui mélangent gris et bleu pour atténuer des teintes, Deliverance qui traite les pierres avec un dégradé 3/13/22, Rick Dangerous 2 avec le dégradé 9/10/13 ou encore Killerball avec des dégradés très évolués (intégrer du vert dans le bleu). Je garde une petite place d'honneur pour Infinity qui a réellement bien su exploiter des dégradés nouveaux sur cette machine passant du bleu au vert sans qu'on n'y voit rien. Même si certains mélanges de ces jeux peuvent être le fruit de transferts hasardeux, ils ont le mérite d'avoir été correctement exploité.
D'autres travaux plus récents ont su exploiter plus largement les possibilités des dégradés du CPC, par des couleurs "transversales". On peut par exemple observer les choix de nuance de certaines skins de Color Lines (ici Eldrik) ou de Super Edge Grinder. Il n'y a plus de logique évidente dans l'assemblage de couleurs, bien que le tout reste rès cohérent. Je pense que nous allons de plus en plus vers ces mélanges de couleur complexes. Et je gage que ces évolutions se verront progressivement dans des images de plus grande taille, comme les écrans d'intro de jeux ou les demos.
Le mode 0 a donc été très bien exploité, et je pense qu'on peut dire qu'il a nourri le travail des pages écran d'intro des jeux dans la mesure où celles-ci n'ont pas eu la nécessité immédiate d'optimiser les pixels pour ressembler à quelque chose. Le travail au pixel des sprites a probablement aussi apporté une exigence de finition sur les écrans complets, dont la lisibilité n'était pourtant pas menacée. Mais nous n'avons pas encore à mon avis l'aboutissement de ce qu'il est possible de réaliser dans cette résolution. De nombreux progrès sont effectivement observables, mais peu de jeu ont réellement travaillé sur cette piste des mélanges de couleurs alors que pourtant, c'est bien là que semble résider le secret des 27 couleurs du CPC.
Ci-dessous, une liste d'autres jeux utilisant des graphismes en mode 0 :
After the War : les graphismes sont très travaillé, sur des dégradés assez attendus en général.
Amnesia : une utilisation très originale des couleurs, vraiment intéressant.
Astro Marine Corps : pas une grande originalité des palettes, mais les gfx très colorés sont captivant.
Arkanoïd : le simple rendu des briques a toute sa personnalité ! Des graphismes très coloré "arcade".
Army Moves : un jeu parmi les jeux espagnols avec beaucoup de détails, mais très peu d'antialiasing.
Baby Joe : pas exceptionnel dans son style, mais il mérite sa place parmi les jeux dont les couleurs sont très bien utilisées.
Barbarian : graphismes des psrites assez rustiques, mais décors très bien finis. Bien regarder le traitement des serpents.
Bestial Warrior : super sub pixel pour des sprites tout petits.
Buggy Ranger : très bon traitements dans les bleus...
Cobra Force : rien d'exceptionnel, mais de bons reliefs.
Comando Quatro : ça a un peu vieilli, mais on devine des prémices d'antialiasing.
Cybernoïd 2 : palettes très classiques.
Defender of the Earth : graphismes propres et de petite taille, pas trop lissés.
Dominator : graphismes étranges, j'ai le sentiment que les graphistes n'ont pas fini de retoucher les transferts...
Dragon Ninja : adaptation très propre et non antialisée du jeu. exercice propre autour du thème du rectangle.
Extreme : pas exceptionnel, mais ce jeu comporte des petites inventions.
F1 Tornado : pas d'antialiasing sur ces dessins de vraiment petite taille.
Groops : couleurs assez saturées pour ce puzzle game dont l'intérêt réside notamment dans la finesse des animations.
Hammer boy : bon traitement général.
Knight Force : graphismes riches et nombreux avec des couleurs originales parfois (induites par le transfert), mais une finition trop rapide.
Livingstone Supongo II : rien d'exceptionnel, pas d'antialiasing.
Master of Space : enfin des couleurs intéressantes, quoique parfois un peu brutes.
Mega Phenix : des tout petits gfx bien lissés, pour amateurs de dégradés bleu et rouges.
Meganova : intéressantes progressions de couleur sur certains sprites. Bon traitement de la petite taille.
Mr.Heli : de bons effets de texture.
Navy Moves : petits dessins tout brillants.
Operation Thunderbold : dessins de qualité, mais pas très nuancés, dégradés bruts.
P-47 : pas de subpixel, mais très bon travail d'évocation sur ces petits sprites.
Panza Kick Boxing : bon travail d'ambiance.
Purple Saturn Day : grande originalité des couleurs, mais parfois un peu trop d'anarchie, et manque de nuances.
Q10 : pas de subpixel, mais bon travail de pixel art avec un bon choix de couleurs.
Renegade 3 : pas la qualité du premier volume, mais bons graphismes cependant.
Rescue From Atlantis : mélange d'éléments grossiers et d'autres plus précis.
Saigon : certaines images vraiment excellents, les sprites sont propres, mais pas lissés.
Sideral War : excellentes couleurs faisant penser à Purple Saturn Day, en mieux travaillé.
Silent Shadow : petits gfx non lissés, mais propres. Les gfx comportent quelques inventions.
Sirwood : quelques dégradés intelligents.
Smash TV : dessins basés sur les brillances avec palette classique.
Soldier of Light : mode 0 classique avec de petits sprites.
Space Harrier II : bonne intérgation des éléments.
Stormlord : grande personnalité dans les gfx, excellents lissages et dégradés très intéresants.
Thunder Jaws : dessins un peu figés, mais bien finis.
Turbo the Tortoise : pas très original dans le traitement, mais recettes très bien appliquées.
Turrican : les gfx ont toujours le mérite de ne pas être sur fond noir :).
Ulises : pixel art non lissé, mais assez intéressant.
Warlock : décors tout brillants, mignons tout plein.
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